L'administration Trump affaiblit la législation américaine sur le blanchiment d'argent
Pendant des décennies, les États-Unis ont été considérés comme un modèle mondial dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière. Avec la nouvelle entrée en fonction de Donald Trump, le système américain de lutte contre la criminalité financière subit toutefois de profonds changements : des lois centrales telles que le Corporate Transparency Act sont en grande partie abrogées pour les entreprises américaines, les ressources de l'autorité de surveillance financière FinCEN sont drastiquement réduites et l'application des règles internationales de lutte contre la corruption est temporairement suspendue. Alors que les innovations technologiques telles que l'intelligence artificielle sont censées rendre la lutte contre les délits financiers plus efficace, les experts mettent en garde contre de nouvelles failles et un danger croissant dû aux structures anonymes des entreprises et à la réduction des contrôles. Les développements actuels soulèvent la question de savoir si les Etats-Unis mettent en jeu leur rôle de pionnier dans la lutte internationale contre la criminalité financière.
Depuis que la menace du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme pour la sécurité internationale est devenue de plus en plus évidente, les États-Unis ont été l'une des nations pionnières dans le domaine de la lutte contre ces deux menaces. Qu'il s'agisse de l'approche "Follow-the-Money", qui consiste à poursuivre les cartels de la drogue et leurs chefs, ou de l'introduction de sanctions étendues contre les pays du bloc de l'Est pendant la guerre froide, les États-Unis ont toujours été une référence en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Rétrospectivement, les réglementations anti-crime financier aux Etats-Unis ont été fortement influencées par les normes internationales. Ce sont surtout les recommandations du GAFI (Groupe d'action financière) qui ont marqué les réglementations. Les États-Unis sont membres de cette autorité depuis 1989. Les recommandations ont été intégrées dans les lois américaines existantes.
Aux États-Unis, l'OFAC (Office of Foreign Assets Control) est une institution importante. Ses tâches consistent à appliquer et à gérer les sanctions économiques. Celles-ci sont imposées aux pays, aux organisations et aux individus. En complément de l'OFAC, il existe également le FinCEN (Financial Crimes Enforcement Network), qui effectue des analyses de transactions suspectes et veille au respect de la loi sur le blanchiment d'argent.
Une loi importante pour lutter contre le blanchiment d'argent aux États-Unis est le CTA (Corporate Transparency Act). Il s'agit d'une loi visant à accroître la transparence des structures d'entreprise et à lutter ainsi contre la criminalité financière.
La loi oblige les entreprises à déclarer les véritables propriétaires à la FinCEN.
Toutefois, depuis l'entrée en fonction du nouveau président, il y a eu quelques changements, de sorte que toutes les entreprises ne sont plus obligées de le faire.
Avant le mandat de Donald Trump, les États-Unis coopéraient avec de nombreux autres pays membres du GAFI dans le cadre de leur politique de lutte contre le blanchiment d'argent. L'objectif était de lutter contre les menaces mondiales telles que le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent. En outre, des sanctions ont été utilisées par l'OFAC susmentionnée afin d'empêcher les activités financières illégales.
Depuis que Donald Trump est redevenu président en 2025, la politique de lutte contre la criminalité financière aux États-Unis a subi de profonds changements. Les réglementations concernent à la fois l'application des mesures contre le blanchiment d'argent et la réglementation.
Les développements sont les suivants :
1. affaiblissement de l'application par le ministère des Finances
L'un des changements les plus importants concerne le Corporate Transparency Act (CTA).
Le CTA devait à l'origine apporter plus de transparence dans les structures des entreprises. Il devait ainsi être plus facile de lutter contre le blanchiment d'argent et les sociétés boîtes aux lettres. Mais sous le nouveau président, le ministère des Finances avait d'abord décidé de suspendre l'application du Corporate Transparency Act. Le résultat de cette suspension est que les entreprises qui n'ont pas remis les informations sur leurs propriétaires avant le 21 mars 2025 ne seront pas sanctionnées pour le moment. Le respect de cette loi était jusqu'alors facultatif. L'autorité de surveillance financière FinCEN a annoncé qu'elle n'infligerait pas d'amendes ou de sanctions aux entreprises nationales américaines ou à leurs bénéficiaires effectifs qui ne déclarent pas les informations relatives à la propriété bénéficiaire.
Cela affaiblit les autorités et les empêche d'enquêter sur des activités illégales derrière des structures d'entreprise dissimulées. Cela permet d'accroître la criminalité financière par le biais de structures anonymes. Cette déclaration volontaire a toutefois été abandonnée à partir du 18 février. Depuis le 21 mars, la "Final Interims Rule" est en vigueur. Celle-ci supprime l'obligation pour les entreprises et les personnes américaines de déclarer les informations sur les bénéficiaires effectifs (BOI) à FinCEN conformément au Corporate Transparency Act. Dans ce règlement provisoire, FinCEN revoit la définition des ''entreprises déclarantes'' dans ses règles de mise en œuvre afin d'inclure uniquement les entreprises constituées en vertu de la législation d'un autre pays et qui se sont enregistrées en déposant un document auprès d'un secrétaire d'État ou d'un organisme similaire pour faire des affaires dans un État ou une zone tribale des États-Unis (anciennement connues sous le nom d'''entreprises déclarantes étrangères''). FinCEN exempte également des obligations de déclaration BOI les entreprises précédemment connues sous le nom d'"entités déclarantes nationales". En conclusion, les entreprises reconnues par FinCEN comme étant des entreprises nationales ne doivent plus déclarer aucun bénéficiaire effectif.
Les entreprises étrangères doivent toutefois se conformer à ces obligations.
Cela augmente le risque de criminalité financière des entreprises nationales.
2. réduction des ressources pour FinCEN
Le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) est une autorité clé aux Etats-Unis dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Depuis l'entrée en fonction de Trump, les choses ont également changé dans ce domaine. L'autorité a été considérablement affaiblie par des réductions de personnel et des coupes budgétaires. La FinCEN dispose de moyens limités et a donc du mal à remplir efficacement sa mission. Les critiques du "Project 2025" (plan de transformation de l'exécutif) prévoient que la mesure de réduction du budget et des effectifs affectera considérablement les États-Unis dans leur lutte contre la criminalité financière.
(Project 2025 Will Cripple US Anti-Money Laundering Capabilities - Inkstick)
3. utilisation de la technologie IA
Sous Trump, on continue à miser sur l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique. L'IA doit aider à lutter plus efficacement contre le blanchiment d'argent. Les systèmes basés sur l'IA doivent améliorer la surveillance des transactions. Les faux positifs peuvent ainsi être réduits. Les équipes de conformité peuvent ainsi se concentrer sur les cas à haut risque.
En outre, les obligations de diligence envers les clients (Customer Due Diligence) devraient être améliorées grâce à l'automatisation des évaluations de risques. Les modernisations sont à première vue une étape positive. Cependant, les effets positifs resteront probablement limités par la réduction de l'application des lois existantes. En suspendant l'équipe chargée de l'application de la loi sur la cryptographie, il y a une autorité de moins qui peut utiliser les simplifications des systèmes basés sur l'IA. Si le taux de faux positifs peut ainsi être réduit, il n'aurait pas été nécessaire de fermer des autorités, mais seulement de réduire leur taille.
4. loi sur les pratiques de corruption à l'étranger (FCPA)
Le 10 février 2025, le président Donald Trump a signé un décret exécutif intitulé "Pausing Foreign Corrupt Practices Act Enforcement to Further American Economic and National Security". Celui-ci ordonne de ne pas ouvrir de nouvelles enquêtes sur le FCPA ni de le faire appliquer pendant 180 jours. La FCPA est une loi fédérale américaine qui interdit aux entreprises et aux particuliers de verser des pots-de-vin ou d'autres avantages à des agents publics étrangers afin d'obtenir des avantages commerciaux. Dans le cadre des enquêtes sur la FCPA, les autorités américaines telles que le Department of Justice (DOJ) et la Securities and Exchange Commission (SEC) examinent si les entreprises ont enfreint cette législation anti-corruption. L'objectif est de réévaluer la mise en application. Celles-ci doivent être plus en accord avec les objectifs de politique étrangère et économique des Etats-Unis. La suspension des enquêtes pendant 180 jours représente un affaiblissement massif de la lutte contre la corruption. En raison de l'importance de la politique américaine pour le monde entier, il est à craindre que cela entraîne une augmentation de la corruption dans le monde entier.
Conclusion :
Les récentes décisions politiques et modifications réglementaires prises sous l'administration Trump marquent un net changement d'orientation dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière aux États-Unis. Alors que les États-Unis étaient auparavant considérés comme un pionnier mondial dans la lutte contre la criminalité financière et qu'ils appliquaient systématiquement les normes internationales, la suspension d'importantes obligations de déclaration, les coupes budgétaires dans la FinCEN ainsi que la suspension temporaire des mesures anti-corruption entraînent un affaiblissement considérable de la force d'application. En particulier, l'exemption des entreprises nationales des obligations de transparence ouvre de nouvelles brèches pour la criminalité financière. Malgré l'utilisation de technologies modernes telles que l'intelligence artificielle, l'efficacité des mesures reste limitée par la réduction des ressources et l'affaiblissement institutionnel. Dans l'ensemble, cette évolution menace non seulement d'accroître la vulnérabilité des marchés financiers américains aux activités illégales, mais aussi d'envoyer un signal négatif à la communauté financière mondiale et à la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la corruption. Les mois à venir montreront si les Etats-Unis renforcent à nouveau leur rôle de modèle en matière de politique de lutte contre la criminalité financière ou s'ils continuent à perdre de leur influence.