La lutte de l'Allemagne contre le blanchiment d'argent : de grands projets, de maigres résultats
L'Allemagne fait régulièrement l'objet de critiques internationales en raison de l'insuffisance de ses mesures de lutte contre le blanchiment d'argent. Le Groupe d'action financière (GAFI) atteste régulièrement de déficits importants dans le pays. Chaque année, on estime qu'environ 100 milliards d'euros issus d'activités criminelles telles que le trafic de drogue passent dans le circuit économique légal. L'Allemagne a ainsi acquis la réputation de "paradis des blanchisseurs d'argent", ce qui pèse considérablement sur son statut international.
Pour remédier à ce problème, l'ancien ministre fédéral des Finances Christian Lindner avait prévu de créer une autorité fédérale centrale de lutte contre la criminalité financière (BBF). Selon Lindner, l'autorité fédérale prévue devait être basée sur un concept à quatre volets. Au centre de ce projet se trouvait un nouveau bureau fédéral de la police judiciaire financière, qui devait disposer de pouvoirs d'enquête autonomes et d'un domaine de recherche spécialisé. En complément, les compétences en matière d'application des sanctions devaient être centralisées afin de créer un point de contact unique. La Financial Intelligence Unit (FIU) existante devrait être intégrée à la nouvelle autorité afin de regrouper les compétences auparavant dispersées. Enfin, un organe central de surveillance du secteur non financier devrait être mis en place pour définir des normes et coordonner les tâches actuelles des pays.
Cependant, malgré une planification bien avancée et un supposé accord politique au sein de la coalition des feux de signalisation, des retards ont été enregistrés. Alors que le FDP reprochait aux Verts d'avoir bloqué la loi en abordant des sujets non pertinents, les Verts ont critiqué le fait que les ministères dirigés par le FDP ne soient pas parvenus à un accord sur des compléments importants tels que la loi sur la lutte contre la dissimulation de patrimoine. Après la rupture de la coalition des feux de signalisation en novembre 2024, le projet est désormais de facto tombé à l'eau. Le gouvernement minoritaire composé du SPD et des Verts ne montre guère d'engagement à poursuivre le projet et la CDU/CSU rejette le BBF, le qualifiant de "monstruosité administrative".
C'est à cette époque que l'Allemagne, avec Francfort, a été choisie comme siège de la nouvelle AMLA de l'UE. Ce succès a également été rendu possible par le projet de BBF, dont la mise en œuvre n'a toutefois pas eu lieu. Alors que la mise en place de l'AMLA progresse rapidement, celle du BBF reste une occasion manquée de répondre aux attentes internationales envers l'Allemagne en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Le ministère fédéral des Finances avait encore averti en octobre 2024 qu'en cas de nouveaux retards, une perte de réputation internationale risquait de se produire - une crainte qui s'avère aujourd'hui fondée.
Certes, des progrès mineurs ont été réalisés, comme l'interdiction des paiements en espèces lors de l'achat d'un bien immobilier, mais une percée globale dans la lutte contre le blanchiment d'argent reste à faire. L'Allemagne reste donc en deçà de ses propres aspirations à jouer un rôle de premier plan au niveau international dans le domaine de la criminalité financière et de la lutte contre le blanchiment d'argent. Le pays est encore loin de l'"étalon-or" auquel il aspire.
Source :
https://www.tagesschau.de/inland/gesellschaft/lindner-geldwaesche-103.html