Quelle est l'étendue de la transparence des registres de transparence dans le monde ?
Les registres publics de transparence sur les bénéficiaires effectifs des entreprises (Ultimate Beneficial Owners) sont un outil extrêmement important dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Malheureusement, ils ne sont pas encore suffisamment répandus dans le monde, ce qui nuit gravement aux efforts de lutte contre le blanchiment d'argent et les flux financiers illicites. Sur 195 pays dans le monde, seuls 58 (dont 24 pays de l'UE) ont mis en œuvre des registres de transparence à ce jour, bien que 129 pays se soient publiquement engagés à les introduire.
Il est également frappant et parfois très surprenant de constater que certains pays n'ont pas mis en place de registre, qu'il soit central ou public, comme les États-Unis, le Canada, le Japon, l'Australie, l'Italie et la Norvège. D'autre part, des pays comme l'Indonésie et le Paraguay ont mis en place un registre public de l'ensemble de l'économie (et pas seulement de certains secteurs). De nombreux pays ont également recours à des formes mixtes (représentées en pointillés dans le graphique ci-dessous), dans lesquelles un registre central existe et des parties de celui-ci sont accessibles au public, par exemple des secteurs économiques sélectionnés.
Source : "The Open Ownership Map", États avec registre BOT mis en œuvre, un travail de Open Ownership, sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International, https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/, Aucune modification incluse
De manière générale, l'efficacité des registres de transparence dépend de différents facteurs et est limitée, entre autres, par les défis suivants :
- Plus de registres centralisés que de registres publics
Il existe des différences considérables dans la mise en œuvre - certains États misent, dans l'intérêt de la protection des données, sur des registres purement centralisés plutôt que sur des registres publics, qui sont soit difficilement accessibles aux personnes physiques, soit généralement consultables uniquement par certaines autorités ou organisations. Sur un total de 58 registres mis en œuvre dans le monde, seuls 34 sont accessibles au public. - Manque de coopération internationale
La transparence s'arrête souvent aux frontières nationales en raison de l'absence de coopération internationale et de protocoles d'échange d'informations standardisés. - Manque de qualité des données
La qualité des données collectées varie également considérablement d'un pays à l'autre, ce qui a nui à la comparabilité et à l'efficacité des registres. Les États peuvent être très différents selon qu'ils se contentent de collecter des données de base sur les bénéficiaires effectifs ou qu'ils fournissent des informations détaillées. Bien que des efforts soient déployés pour promouvoir certaines normes et meilleures pratiques pour la création et la gestion de ces registres (par exemple par le GAFI), celles-ci doivent être appliquées au système juridique et à la situation législative existants.
La simple existence d'un registre n'est donc pas un gage d'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent si celui-ci ne contient que peu de données pertinentes et/ou n'est accessible qu'à certains cercles ou après un processus bureaucratique souvent long et parfois coûteux. Dans ce contexte, la question se pose de savoir quel doit être le niveau minimal de transparence d'un registre de transparence pour qu'il soit utile à la lutte contre le blanchiment d'argent.
En Allemagne, l'accès illimité du public au registre de transparence a été déclaré invalide suite à l'arrêt de la CJUE du 22 novembre 2022. La consultation n'est plus autorisée que par le biais d'une demande formelle de consultation, dans laquelle les personnes concernées font valoir un intérêt justifié et légitime.
Dans l'ensemble, la mise en œuvre internationale des registres de transparence est décevante. Il reste encore beaucoup à faire pour encourager la coopération entre les gouvernements, les organisations internationales et le secteur privé afin d'établir et d'entretenir efficacement ces registres.
Actuellement, la Suisse discute de l'introduction d'un registre central de transparence. CURENTIS vous informera prochainement de l'état de la discussion.